Icône Simone
Rédigé par Métro-Boulot-Catho -Est-il permis de critiquer Simone Veil ? Les quelques "twittos" qui l'ont fait ont rapidement et vertement été "recadrés". Si admirative que je sois d'une personnalité aussi exceptionnelle, cette unanimité imposée a tendance à m'indisposer.
Parce qu'elle fut victime de la barbarie nazie, parce que son nom est attaché à ce qui est aujourd'hui considéré comme un droit sacré des femmes, sa canonisation médiatique a été immédiate - et la canonisation républicaine (aka "panthéonisation") pourrait suivre rapidement.
Évidemment, ces critiques sont indécentes dans leur agenda. Quand une personne vient de mourir, le temps est traditionnellement aux hommages, ou au moins au silence.
Elles sont aussi, le plus souvent, indécentes dans leur formule. Imputer à Simone Veil l'ensemble des avortements qui se pratiquent chaque année depuis 1975, c'est absurde ; faire le rapprochement avec l'Holocauste dont elle connaissait bien mieux la réalité que ceux qui le lui rappellent, c'est indécent.
Absurde car l'avortement existe depuis bien avant 1975. Comme dirait un élève de lycée en mauvaise introduction de dissertation, "de tous temps virgule les hommes ont avorté". La dépénalisation n'a pas créé le phénomène ; elle visait seulement à éviter les drames auxquels conduisent les avortements clandestins. Je pense qu'avorter, c'est tuer une vie humaine ; mais avorter avec un cintre rouillé, c'était en menacer deux. Choisir le Bien, c'est parfois choisir le moindre mal. Personne ne souhaite voir ressortir les aiguilles à tricoter des faiseuses d'anges.
Le problème est la différence entre autoriser et encourager. Simone Veil elle-même, bien consciente que l'avortement est un drame pour toutes celles qui ont dû en vivre, avait voulu des garde-fous. On sait ce qu'ils sont devenus les uns après les autres. Le véritable scandale n'est pas que l'avortement soit légal ; le scandale est qu'il soit souvent plus facile de choisir d'avorter que de garder l'enfant à naître.
Je pense que la dépouille de Simone Veil a sa place au Panthéon (si cela est conforme à ses volontés personnelles et à celles de sa famille bien sûr). Mais à mes yeux, ce qui la rend admirable, c'est la manière dont elle a sublimé l'Épreuve absolue qu'elle a traversé, la manière dont elle a anéanti le projet nazi, en devenant une Femme magnifique, à la fois au plan physique (quelle dignité, toujours, dans son port !) et au plan moral, comme ambassadrice de la paix et de l'Europe.
Et je suis assez triste de penser que, si on la panthéonise, ce sera aussi pour "sa" loi, pour un "droit à l'avortement" qu'elle n'avait pas en tête de donner comme on l'a aujourd'hui sacralisé.