Les lectures de la messe de ce jeudi avaient un fil conducteur rassurant, pourrait-on dire.
Dans la première, il est question de David, à propos duquel Paul (qui s'adresse aux Juifs rassemblés dans une synagogue) rassemble plusieurs passages de la Bible : J’ai trouvé David, fils de Jessé ; c’est un homme selon mon cœur qui réalisera toutes mes volontés. Quand on sait de quoi fut capable David, qui fit tuer le général dont il avait mis la femme enceinte, lire que Dieu avait vu en lui un homme "selon son cœur" est tout de même vachement décrispant. Dieu n'exige pas la perfection.
Qui réalisera toutes mes volontés nous remet devant la question de la volonté de Dieu. David a réalisé la volonté de Dieu ; mais pas que. Je veux dire qu'il a aussi agi selon ses volontés à lui. Nulle part sa liberté à lui n'a été abolie. Dieu mendie l'obéissance, mais n'exige pas l'écrasement de l'individu.
Et Dieu fait une promesse à son serviteur : ma main sera pour toujours avec lui, mon amour et ma fidélité sont avec lui. Je crois qu'en hébreu, vérité et fidélité sont une même racine. Il n'y a pas d'amour vrai s'il n'est fidèle. La promesse de Dieu n'a pas de limite dans le temps. Même au serviteur indigne, Dieu ne retire pas son amour.
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Vous avez probablement déjà entendu l'expression faire son salut, et très probablement aussi gagner son paradis. Si je savais confusément qu'elles ne sont pas très chrétiennes, parce que peu compatibles avec l'idée d'une gratuité de la miséricorde, j'ai longtemps eu du mal à mettre le doigt sur le problème. C'est venu cet été.
Le point à bien comprendre, c'est qu'on n'a pas besoin de faire son salut, mais il faut le recevoir.
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Dans Ne fuis pas ta tristesse,
sorte de promenade méditative sur la tristesse au sens le plus large du
terme, Emmanuel Godo a ces mots qui, pour des raisons diverses, me
rejoignent particulièrement. Ils peuvent toucher, non pas seulement "l'écrivain-de-l'œuvre-qui-ne-vient-pas" (comme il dit), mais plus largement celui qui se sent empêché d'être pleinement aligné (comme
disent les psys), faute peut-être de réussir à réaliser ce à quoi il se
sent appelé. Cette étrange et pénible insatisfaction de ne jamais
toucher son propre But, qui n'a pas de nom, mais qui paraitra si
familière à beaucoup.
Et il faut parler aussi de la tristesse des vies en attente de leur
œuvre. Des vies qui se sentent tourner en rond autour de leur fécondité.
Et comme il en faut des gestes, des projets, des entreprises, pour
essayer d'étouffer l'impression d'inachèvement. Devant chaque avancée,
chaque succès, chaque raison d'être heureux, repousser le souffle de
tristesse, feindre de ne pas ressentir la retombée de l'enthousiasme.
Pour l'écrivain, c'est le livre qui doit venir, le livre qui
contiendra la musique essentielle, le chant intérieur. Que les mots
puissent être prononcés, dits et entendus, qui sauveront sa vie. Oui,
qui la sauveront d'un étrange désastre - celui d'être passée à côté de
son œuvre.
Il lui arrive, dans des moments qu'il croit de lucidité, de penser
que tout cela n'est que chimère, il jetterait bien des briques à ce
qu'il nomme ses bulles de savon, ses mirages, ses pauvres nuages. Il
voudrait, comme tout homme, se contenter de ce qu'il a, accepter enfin
d'être ce vagabond qui passe à côté de sa vérité : il ne sera ni le
premier, ni le dernier, et à quoi bon les livres, les créations de
l'esprit, mieux vaut s'en tenir à la bonne et pauvre concrétude des
choses du monde. (...)
Il a longtemps cru que ce ne serait pas possible, qu'il ne trouverait
pas la forme, le sujet, la manière. Les livres qu'il écrivait jusque
là, il n'aurait pas pu dire qu'ils étaient mensongers, non, cela
n'aurait pas été juste, mais ils étaient des pis-aller, des œuvres faute
de mieux, par défaut. Le livre désiré, rêvé, passait à côté comme un
navire dans la nuit sans fin. (...)
Un peu plus loin, toujours dans le même chapitre, ces lignes sur le miracle qui se produit parfois, quand on rencontre un livre :
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De nombreuses fois dans l'Evangile, et dans d'autres textes bibliques, la Parole de Dieu est comparée à une eau vive. Pour ne prendre qu'un exemple, pensons à la rencontre de Jésus et la Samaritaine au puits de Jacob (Jn 4).
Pourquoi une eau vive ? L'eau, bien sûr, tout le monde comprend l'image : n'importe quel enfant sait d'expérience la nécessité de l'eau. Que la Parole de Dieu soit elle aussi un principe de vie, c'est une idée facile à comprendre.
Mais pourquoi vive ?
Quand on s'installe quelque part, dans un endroit désert (et souvenons-nous toujours du contexte du peuple biblique), on a deux moyens pour avoir de l'eau :
-
on construit une citerne qui recueillera l'eau de pluie
-
on s'installe auprès d'une source d'eau vive
La citerne présente un avantage énorme : elle permet de faire des réserves. Certes, on ne maîtrise pas complètement l'approvisionnement (la pluie), mais on peut maîtriser sa consommation. On sait si l'on aura de l'eau le lendemain. La citerne, c'est avoir une certitude pour demain. En comparaison, la source peut se tarir du jour au lendemain. Elle peut être capricieuse. La source, c'est l'incertitude.
Mais le défaut, et même le danger de la citerne, c'est que l'eau y croupit. Elle peut devenir un instrument de maladie, voire de mort. En comparaison, la source est saine puisque l'eau y est constamment renouvelée.
La Parole de Dieu n'est pas simplement "de l'eau". Elle est une eau vive, toujours nouvelle, toujours actuelle. Y boire suppose de prendre le risque de ne pas savoir à l'avance ce qu'on va recevoir.
L'image de la citerne peut s'appliquer à bien d'autres domaines de la vie. Nos vies sont pleines de citernes. Je dirais même que notre société postmoderne crève de ce "syndrôme de la citerne", qui voudrait tout prévoir, tout calculer, ne rien risquer. Où sont tes citernes, à toi ?
La richesse, a écrit Amin Maalouf, ne se mesure pas aux choses que l'on possède, mais à celles dont on sait se passer. Sache avancer léger et prêt à accueillir les sources qui se présenteront sur ton chemin.