Mon métier consiste à transformer des larves en papillons. Hé ouais. Dans cette catégorie, les réflexions qu'il m'inspire. Les anecdotes de cours sont regroupées dans la catégorie Le plus beau métier du monde.
Que veut dire souhaiterà ses élèves de "réussir", comme il est d'usage au moment de les quitter ?
Dans la vie, il y a des projets que l'on réussit, et d'autres que l'on rate, parce que tout ne dépend pas de soi, et parce qu'on est souvent amené à prendre des décisions sans connaître tous les paramètres à l'avance. On n'apprend pas assez, en France, à bien vivre l'erreur. Les tests internationaux tendent à montrer que les petits Français préfèrent s'abstenir que risquer de se tromper.
Pourtant, savoir transformer l'échec en expérience, en tirer un enseignement utile pour la suite, c'est un trésor fondamental puisque, d'une certaine façon, il n'y a jamais d'échec pour qui sait le vivre comme une expérience. C'est la réflexion qui vient à la lecture, hautement recommandable, des Vertus de l'échec, de Charles Pépin.
C'est une chose que j'aurais aimé entendre à leur âge.
J'ai été pas mal occupée, ces derniers temps, par la préparation d'un
concours, l'équivalent pour l'enseignement privé du CAPES interne en
histoire-géographie. L'admissibilité se joue sur la présentation d'un
dossier de reconnaissance des acquis de l'expérience professionnelle
(d'où son petit nom : "le RAEP"), dans lequel il s'agit de présenter une
réalisation pédagogique de son choix.
À présent que les résultats sont publiés (et oui :
j'ai été admise), je me suis dit que cette plongée dans ma pratique
professionnelle intéresserait peut-être les quelques lecteurs, profs ou
pas, qui s'attardent par ici. [Les documents sont en bas de ce billet].
Je saisis (un peu artificiellement j'en conviens) l'occasion de l'anniversaire de la Réforme (31 octobre 1517) pour vous présenter Jean-Frédéric Oberlin, un pasteur méconnu de nos jours que j'ai redécouvert cet été en passant à Waldersbach et qui, à son échelle toute simple, a fait vivre l'Évangile qui l'animait.
Alsacien, il a vécu à la fin du XVIIIe siècle. Envoyé à 27 ans dans une vallée pauvre et très enclavée des Vosges, le Ban-de-la-Roche, Jean-Frédéric Oberlin y a vécu près de soixante années animé d'une infatigable volonté d'améliorer le sort de ses ouailles. Il ne partait pas de rien : son prédécesseur avait créé une petite école et posé quelques bases. Mais son activité inlassable s'est déployée dans de multiples directions : depuis l'aménagement des chemins jusqu'à la formation des maîtres d'école du Ban-de-la-Roche, en passant par ce qu'on appellerait aujourd'hui le "micro-crédit".
Cela fait maintenant quelques années que j'enseigne dans le secondaire, et j'observe les jeunes qui sont en face de moi. En ce qui me concerne, ils sont issus de ce qu'on appelle les "classes sociales favorisées", voire très favorisées. Ce "favorisées" se paie souvent de responsabilités professionnelles importantes, donc des horaires difficilement compatibles avec la vie de famille. Beaucoup de couples éclatés (en conséquence, j'aurais envie d'ajouter).
Et plus j'y réfléchis, plus je pense qu'il manque deux choses à ces enfants, à ces générations montantes : d'une part, le contact avec la matière, le concret ; d'autre part, ce que j'appellerais une culture de la conversation avec d'autres générations que la leur.
Je ne sais pas si mon constat est généralisable à l'ensemble de la jeunesse française, et je serais curieuse que des collègues exerçant dans d'autres contextes que le XVIe arrondissement parisien me donnent leur témoignage.
Je viens de regarder le film de Judith Grumbach Une idée folle que Le Monde rendait disponible sur son site. Sous ses dehors "documentaire sur l'école", il n'a rien d'innocent quand on sait qu'il est produit par Ashoka, dont le site officiel offre un échantillon édifiant de phraséologie creuse-mais-super-positive-qu'on-a-tous-envie-d'être-d'accord.
Un billet de Christophe Cailleaux sur Médiapart dénonce les moyens employés par Ashoka pour vendre son rêve d'école idéale. Sur Twitter, une collègue (de secondaire) démonte pour sa part le discours "école innovante" que tient ce film. Tout livre (cf. celui de Céline Alvarez) ou film présentant une ou quelques expériences scolaires très localisées comme LA solution miracle à tous les problèmes de l'école a légèrement tendance à énerver les professeurs "normaux", ceux qui vont au charbon quotidiennement avec des moyens limités, des ambitions simples (genre : transmettre des connaissances, wouah la rebellitude) et des cas sociaux parfois trop lourds pour une institution à qui l'on demande beaucoup (trop).