Retour de Terre sainte
Rédigé par Métro-Boulot-Catho -Je reviens de deux semaines en Terre sainte. J'y étais déjà allée deux fois, je commence à m'y sentir un peu chez moi, mais cela reste un voyage hors du temps.
Quand j'ai eu envie d'aller en Terre sainte pour la première fois, j'ai voulu rencontrer ceux qui y vivent. Ne pas faire une tournée de lieux saints entre deux hôtels, mais vraiment aller à la rencontre des gens, parce qu'après tout, Jésus dans les Évangiles ne fait pas autre chose que cela : aller à la rencontre.
J'ai découvert les camps d'été du Réseau Barnabé, et j'ai participé coup sur coup à deux éditions. C'était formidable de partager des beaux moments avec des habitants de Ramallah, et ensuite découvrir, à Jérusalem, les lieux saints et la présence juive, à la fois ancienne et moderne. J'ai dîné chez des Palestiniens, rompu avec eux le jeûne du Ramadan, et dîné chez des Israéliens (Français) pour ouvrir le shabbat. J'ai marché dans le Wadi Qelt, me suis baignée dans la Mer morte, et j'ai tenté de me recueillir dans le Saint-Sépulcre. J'ai entendu les Juifs chanter les psaumes et des muezzins appeler à la prière.
Bref, j'ai découvert la magie de Jérusalem, dont j'avais alors brossé un portrait chinois.
Il y a de nombreuses raisons d'aller à Jérusalem. Chacun a les siennes, je suppose ; et chacun trouve sur place les siennes, aussi. Pour ce troisième séjour, je souhaitais laisser plus de place à la prière.
Aller en Terre sainte, c'est mesurer l'épaisseur géographique des évangiles. Prendre conscience des distances entre la Galilée et la Judée, différencier la Plaine et la vallée du Jourdain, comprendre pourquoi l'on monte à Jérusalem ou l'on descend à Jéricho (Lc 10, 25-37). C'est rentrer dans l'Évangile par les pieds, pour mieux s'en imprégner.
Bien sûr, beaucoup de localisations sont hypothétiques : on ne sait pas où précisément ont eu lieu les événements. Mais il est précieux de les commémorer quelque part, pour les incarner. De plus, si l'histoire et l'urbanisation ont profondément bouleversé certains endroits, il est extrêmement émouvant de se dire que Jésus a vu certains paysages presque tels qu'ils sont aujourd'hui.
Plus profondément, l'épaisseur des siècles passés fait aussi partie d'un pèlerinage en Terre sainte. Avec son lot d'absurdités parfois, résultat de conflits ancestraux ou de rites dont le sens s'est un peu perdu aujourd'hui. Par exemple, la fameuse échelle de la façade du Saint-Sépulcre, que personne n'a jamais retirée, vient, comme un symbole des divisions entre confessions chrétiennes, nous inviter à rester humbles : le chemin de l'unité est encore à faire. "L'empreinte du pied" de Jésus-Christ dans l'église dite de l'Annonciation (transformée ensuite en mosquée) est plutôt cocasse pour notre rationalisme occidental, mais dit quelque chose d'une religiosité du contact, partagée entre chrétiens et musulmans.
On peut être terriblement déçu lorsqu'on découvre ces lieux, si l'on veut y trouver Jésus-Christ. Au point de se réfugier dans une insensibilité à l'égard des pierres, parce qu'on ne reçoit pas d'illumination en les touchant, et parce qu'on sent bien que même si Jésus les a touchées, tous ses atomes ont aujourd'hui disparu. Mais il y a dans ce détachement une forme de mépris, pour ce qui serait une religiosité trop populaire, quasiment superstitieuse.
Car on prend conscience peu à peu qu'il est important de marquer son passage dans ces lieux par un contact physique, souvent furtif et peu recueilli dans les lieux saints les plus fréquentés. Parce que les murs de Jérusalem sont imprégnés des prières, des espoirs, des déceptions de générations entières de pèlerins, juifs, musulmans ou chrétiens, tous enfants bien-aimés de Dieu. En pèlerinant à notre tour, c'est dans cette longue chaîne que l'on prend sa place, toute petite à l'échelle de l'histoire humaine ; mais rien de ce qui est humain n'est trop petit pour Dieu.