Ce qu'on entend par "inspiré" ou "révélé"
Rédigé par Métro-Boulot-Catho -Une réflexion sur des termes pas toujours bien compris.
L'opposition traditionnelle entre "origine divine" et "origine humaine"
On croit souvent (et beaucoup de chrétiens eux-mêmes), que dans inspiré par Dieu ou révélé, il faut comprendre tombé du Ciel (jeu de mots). Façon météorite. Sans que les hommes soient pour quoi que ce soit dans le contenu du texte.
C'est ainsi par exemple que les musulmans approchent le Coran. L'Islam professe que le Coran est la Parole incréée de Dieu ; c'est-à-dire que l'ange Gabriel est apparu un jour à Mahomet, lui a dicté le texte, et Mahomet l'a transcrit sans en changer une virgule. L'intervention de Mahomet est absolument "transparente", il n'est que la plume de Dieu (ou le calame, plutôt). Et comme Allah parle arabe, tous les musulmans apprennent l'arabe du Coran pour pouvoir le lire en V.O. parce que le traduire, ce serait trahir la parole de Dieu.
Dans cette optique, étudier les conditions historiques de l'apparition du Coran, sa rédaction, sa compilation et les modifications qu'elles ont subi est intrinsèquement sacrilège, puisque c'est sous-entendre que cet écrit aurait une origine non-divine (on va dire humaine, ce sera plus simple).
C'est aussi de cette manière que les athées comprennent la notion. Ils croient de la même façon que le terme sacré appliqué à un texte exclue, dans l'esprit de celui qui l'emploie, toute intervention humaine ; eux, qui excluent par principe Dieu, s'attachent donc à prouver que ce texte n'est au contraire issu que d'interventions humaines. Que Bible et Coran sont de mains d'hommes. Qu'ils sont la relation d'événements ou de récits mythiques élaborés par des hommes, transmis par des hommes, mis en écrit par des hommes, sélectionnés par des hommes, copiés par des hommes, corrigés par des hommes : chaque étape représentant une certaine somme de risques de déformation, addition et omission, au mieux inconscientes, sinon carrément voulues et aux motivations douteuses.
De sorte que se trouvent opposées deux théories radicalement incompatibles, mais ayant en commun la même compréhension de la notion de révélation : ce que j'appellerais une définition sur un mode exclusif de la révélation. Sur un mode exclusif, parce que considérant qu'un texte ne peut venir que de Dieu ou que des hommes. 100 % de l'un OU 100 % des autres. Entre les tenants de l'une et les partisans de l'autre position, c'est la guerre la plus acharnée, jusqu'à ce que mort s'en suive.
Une autre façon de comprendre la notion : "DE Dieu PAR les hommes"
Eh bien moi, je crois que tout le monde a tort. Allez hop : tout le monde dos à dos !
Parce qu'il existe une autre façon de définir la notion de révélation. Appelons ça pour faire ronflant la définition sur un mode dynamique. (C'est le mot dynamique qui est important ici). On abandonne le schéma "ça vient tout de Dieu" versus "ça vient tout des hommes" pour ne retenir qu'une seule formule : "ça vient DE Dieu PAR les hommes". Et toc.
Origine, vecteur.
Car dans le christianisme, l'homme participe à la Révélation comme il participe à son salut.
Dans une telle optique, l'analyse critique des conditions d'apparition et de transmission du texte prend toute sa légitimité : oui, les mots de la Bible sont ceux des hommes qui l'ont portée : donc oui, il faut étudier ces hommes pour comprendre la Bible. C'est bien pour cela qu'existe dans l'Eglise, depuis fort longtemps, l'exégèse. C'est aussi pour cela, par exemple, que jamais il ne sera annoncé dans une église, avant la proclamation de l'Evangile : "Evangile de Dieu - point" ; mais qu'on annonce "Evangile de Jésus-Christ selon Saint Truc". L'évangéliste est TOUJOURS présent. Alors qu'il ne viendrait jamais à l'idée d'un musulman de dire que le Coran est "la parole de Dieu selon Mahomet".
Le bibliste (j'entends par là : l'ensemble des individus qui ont contribué à la rédaction de ce que l'on connaît aujourd'hui, puisque la Bible est une oeuvre collective) vit une certaine expérience, et il s'efforce de la traduire en des termes qui permettent à tout lecteur d'y retrouver son histoire (d'où l'usage d'un langage symbolique par exemple). C'est son caractère actuel qui fait dire de la Bible qu'elle est sacrée.
Et sacré ne veut pas dire intouchable mais adressé à moi personnellement, aujourd'hui et là où je suis.