Le passage de la Mer Rouge, préfiguration du baptême

Rédigé par Métro-Boulot-Catho -

Je vous livre à toutes fins utiles quelques "éléments", préparés pour une séance de "pastorale" (à laquelle assistent des élèves qui choisissent de ne pas aller à la messe pendant ce temps-là, parce qu'ils ne sont pas chrétiens ou parce qu'ils ne veulent pas trop montrer qu'ils le sont...). C'est un cycle de séances qui prend appui sur les tapisseries de la Chaise-Dieu, lesquelles sont organisées comme les Bibles des pauvres : une scène du Nouveau Testament est associée à deux scènes de l'Ancien Testament.

En théologie, l'exercice qui consiste à lire dans l'AT ce qui préfigure le Nouveau s'appelle la typologie. C'est un exercice passionnant car il fait ressortir une profonde cohérence entre les deux.

Puisque le calendrier liturgique nous amène à célébrer dans peu de temps le baptême du Christ, j'ai pris ici la tapisserie correspondante, qui associe ce baptême au passage de la Mer Rouge. Puisque la séance s'adresse à des non-chrétiens, je l'ai davantage orientée sur le récit de l'Exode (plus universel) que sur le baptême de Jésus.

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Les quatre Évangélistes relatent cet épisode si important qui marque le début de la vie publique de Jésus après les trente ans de vie cachée à Nazareth et les cartonniers se sont inspirés des quatre Évangiles (Mt 3, 13-17 ; Mc 1, 9-11 ; Lc 3, 21-22 et Jn 1, 29-34). Jésus est baptisé par Jean (dit « le Baptiste »), qui vivait reclus dans le désert. Pour recevoir le baptême de Jean, il fallait d’abord traverser le Jourdain, c’est-à-dire se retrouver sur la terre étrangère, pour symboliquement revenir sur la Terre promise.

La scène de droite représente le général Naâman, guéri de la lèpre en se baignant dans le Jourdain (préciser aux élèves ce qu’est le Jourdain).

La scène de gauche évoque le passage de la Mer Rouge, raconté dans le livre de l’Exode, qui est traditionnellement lu par l’Église comme une préfiguration du baptême, passage de la vie mortelle à la Vie éternelle.

Quatrain en haut à gauche : Moïse, serviteur de Dieu, a franchi la mer Rouge pour libérer le peuple d’Israël de l’esclavage de Pharaon (Exode 14, 21-23). De même le Christ a bien voulu pénétrer les eaux du baptême pour dégager des liens de la faute de la faute originelle ceux qui l’imiteraient.

Verset en dessous : Je répandrai sur vous une eau pure et vous serez purifiés (Ézéchiel 36, 25).

Remarques iconographiques

Moïse a des cornes : la Bible dit que son visage « rayonnait » quand il est redescendu du Sinaï. En hébreu, « rayon » et « corne » ont la même racine ; une traduction erronée a fait des cornes un attribut iconographique de Moïse.

Son bâton : évocation du sceptre royal, de la Croix du Christ, voir épisodes du serpent d’airain (Nb 21), de la bataille contre Amalek (Ex 17), du rocher d’où jaillit une source (Nb 20)

Sur l’image, à l’arrière-plan, l’armée de Pharaon est noyée dans la mer en voulant la traverser.

Le récit

Voir Exode 14, 5-23

Dessin animé : le Prince d’Égypte (extrait 4 minutes) https://www.youtube.com/watch?v=Ose-GabcXos

Pour les plus grands : extrait des 10 Commandements de Cecil B. DeMille ?

Historicité du récit

L’épisode est-il historique ? On sait qu’un peuple étranger (les Habirous) a temporairement vécu en Égypte, sans doute dans un état de soumission. Ordinairement identifiés aux Hébreux, mais incertitude. Les sources égyptiennes sont muettes sur les Hébreux et sur Moïse. Leur départ d’Égypte n’est pas plus clairement attesté. Il s’est probablement fait en plusieurs vagues, et probablement en passant par la voie du Nord (le long de la côte). Le passage par la Mer Rouge pourrait ne concerner qu’une petite partie du peuple.

Par ailleurs le texte a été écrit des siècles après l’événement et réécrit plusieurs siècles plus tard encore. Il ne faut surtout pas le lire comme un article écrit par un reporter présent sur place.

Par exemple, le détail des « murailles d’eau » a été ajouté lors de la réécriture, qui s’est faite après le retour de l’Exil à Babylone (587-538 av. JC). Jusque là, les Hébreux avaient quelques raisons de penser que Moïse était sans doute le Messie annoncé dans les textes : il leur avait donné la liberté, une terre, la Loi. L’Exil entraîne la perte de tous les signes de l’élection divine (la terre, le Temple, l’Arche d’Alliance, le Roi). D’où une remise en cause très profonde : comment comprendre que Dieu ait laissé perdre ce qu’il avait donné ? De là émerge l’idée que Moïse n’est pas le Messie, qu’il n’en est qu’une préfiguration, et que le passage de la mer Rouge n’est lui-même que la préfiguration d’un autre passage (qui lui, sera définitif) : de la vie terrestre vers la Vie auprès de Dieu. D’où le rapprochement que fait l’Église avec le baptême.

L’ajout d’un détail surnaturel (la mer se dressant verticalement) est destiné à servir d’avertissement au lecteur : ce passage (de la mer) en annonce un autre, surnaturel celui-là.

Dans tous les cas, la lecture symbolique du texte reste possible et est même la plus intéressante.

Éléments pour la lecture symbolique

Dans la Bible, « la mer » est toujours un symbole de mort : les Hébreux sont un peuple terrestre, la mer est un danger, un lieu de tempête (cf. histoire de Jonas ou tempête apaisée). Le désert est un autre lieu hostile.

40 ans : pourquoi 40 ? parce que c’est, en semaines, le temps d’une grossesse humaine. Le nombre 40 est donc associé à la gestation, à un temps en retrait, de germination cachée, et à un recommencement.

L’Égypte, plus qu’un lieu géographique, est ici un symbole de la situation de l’homme loin de Dieu, soumis au mal.

Les Hébreux esclaves ne vivent pas beaucoup plus mal que beaucoup d’égyptiens pauvres à la même époque (leurs lamentations dans le désert quand ils sont menacés de faim et de soif (« pourquoi nous avoir fait sortir d’Égypte ? ») montrent le regret d’avoir perdu un (relatif) confort.

En revanche ils sont soumis à un roi étranger, donc à une autre loi que celle de leur Dieu. C’est là que se situe leur drame. Pharaon représente tout ce qui nous aliène et nous éloigne des autres et donc, de Dieu.

« Sortir d’Égypte », c’est donc quitter l’aliénation pour la liberté (des enfants de Dieu). Cela ne peut se faire tout seul : il faut un médiateur. Moïse est la figure du Christ car il est à la fois hébreu (de naissance) et égyptien (d’éducation), comme Jésus est à la fois vrai Dieu et vrai homme. Ainsi il peut conduire les hommes d’un état vers un autre. (On peut penser au sevrage, plus facile quand on est « coaché » par un ancien fumeur ou un ancien alcoolique)

Par ailleurs c’est toujours un déchirement : il faut renoncer à un certain confort (être soumis c’est aussi ne pas être responsable). La liberté est rarement confortable.

Le passage est un changement radical, sans retour ; mais Dieu n’est pas un magicien : de l’autre côté de la Mer ce n’est pas le monde des Bisounours qui attend les Hébreux, mais 40 ans de désert, la soif et la faim ! les travers et les tentations reviennent vite ! et la peur aussi : quand des éclaireurs sont envoyés au pays de Canaan, ils reviennent en disant deux choses :

  • c’est un pays où coulent le lait et le miel (ils en rapportent une grappe de raisin si lourde qu’ils doivent la porter à deux)
  • mais il est peuplé de gens qui ont l’air hostile

Le peuple ne retient que le deuxième point et prend peur. Dieu va donc contraindre une génération entière à stationner dans le désert, seuls les fils des « sortis d’Égypte » rentreront au pays de Canaan.

Mais Dieu pourvoit aux besoins des hommes : Il entend leurs cris et donne à boire (Moïse frappe un rocher de son bâton, il en jaillit une source ; pour l’Église, il y a là une préfiguration du coup de lance donné par le soldat romain, dans le flanc de Jésus, d’où jaillira à la fois du sang et de l’eau), et à manger (la manne, une sorte de farine qui tombe du ciel pendant la nuit, et permet de faire le pain pour une journée ; en la découvrant le premier jour, les hébreux se sont demandés « Mann ou ? » = qu’est-ce que c’est ?). Comme la manne qui est donnée au jour le jour, Dieu donne la grâce dont l’homme a besoin au moment où il en a besoin. il y a là, pour le croyant, un appel à faire confiance à Dieu.

Les Hébreux, retenus par la peur des habitants du pays de Canaan, sont privés de vivre dans ce pays par leur refus de faire confiance à Dieu.

Questionnement avec les jeunes

  • Et toi, c’est qui ton Pharaon : le tabac, le smartphone, etc. Quelle habitude, quel objet, quelle préoccupation a pour effet de me couper des autres, de me rendre malheureux si j’en manque ?
  • Choisir entre la liberté et le confort : nombreux exemples possibles dans la vie des jeunes : quand un camarade est moqué par mes amis, vais-je me soumettre voire m’associer aux moqueurs, ou prendre la défense du moqué, au risque d’être ciblé à mon tour ? pour mon orientation, vais-je suivre l’avis de papa et maman, ou choisir « ma » voie malgré leur opposition, quitte à perdre leur appui ?
  • La peur d’avancer, de prendre des risques : y suis-je sujet ? dans quel domaine ? pourquoi ? que m’empêche-t-elle de vivre ?

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