Comme Zabou, j'ai fait cet été la découverte d'une figure étonnante de la seconde Guerre mondiale. En flânant dans les rayons de la Bibliothèque municipale parmi les romans de Joseph Kessel, un des auteurs que j'apprécie le plus, je suis tombée sur Les mains du miracle. Ce roman raconte l'histoire de Felix Kersten, masseur initié à la médecine chinoise qui, dans les années 1930, se retrouva thérapeute de Heinrich Himmler - le numéro 2 du Troisième Reich. Cette position lui permit d'obtenir la vie sauve de nombreuses personnes.
L'histoire est proprement incroyable, mais des historiens l'ont confirmée - et Joseph Kessel est tout de même peu suspect de faire l'éloge d'un personnage pareil sans de sérieuses vérifications. Parfaitement écrite (Kessel, tout est dit) cette biographie est vraiment à découvrir.
Jusqu'à une date récente (vendredi dernier, en fait), je n'avais pas de smartphone. La volonté de conserver un semblant de liberté vis-à-vis d'un appareil électronique m'a fait retarder au maximum l'adoption d'un joujou aussi addictif. J'avais toujours un vieux téléphone avec un forfait minimaliste et je m'en portais très bien.
Mais la généralisation des smartphones autour de moi rendait inéluctable ma conversion : les photos des neveux affichées sur un timbre-poste, c'est un peu frustrant tout de même. À Paris, il devient de plus en plus difficile de ne pas avoir de smartphone : par exemple, les abribus n'affichent plus le plan du réseau RATP intégral - plus moyen de composer son propre itinéraire "à l'ancienne". Et j'ai constaté durant l'été la disparition des cyber-cafés, même dans une station touristique pourtant fréquentée. (C'est là un point qui me laisse d'ailleurs perplexe : nous aurons vu un secteur d'activités apparaître, puis disparaître en moins de 20 ans. Étonnante époque).
Il y a quelques mois, quand j'ai senti approcher l'inéluctable moment, j'ai commencé à prospecter. Un des points qui nourrissaient ma réticence à l'égard des smartphones était le coût environnemental et social de la production, de l'acheminement et de l'élimination de ces petites bestioles.
J'ai retrouvé dans mes dossiers un conte entendu il y a plusieurs années lors d'une retraite à Tressaint (raconté par le père Gosselin, il est encore meilleur), et que j'ai eu l'occasion de raconter la semaine dernière. Je n'en suis absolument pas l'auteur (je ne sais pas qui l'est), et je sais qu'il existe d'autres versions.
Il était une fois trois cèdres, qui s'épanouissaient sur une montagne du Liban, dans un décor magnifique.
Ces trois cèdres avaient une particularité peu banale : ils étaient "croyants, pratiquants" : jour et nuit, ils ne cessaient de chanter les louanges du Seigneur :
"Loué sois-Tu, Seigneur, pour ce généreux soleil qui nous fait croître"
"Loué sois-Tu, Seigneur, pour la mer et pour ces montagnes qui nous environnent ; grâces te soient rendues de nous avoir donné un tel lieu !"
"Louange à Toi, notre Dieu, pour nos racines qui vont puiser l'eau dont nous avons besoin, et qui nous attachent solidement à la terre !"
"Béni sois-Tu pour ces enfants qui grimpent dans nos branches !"
"Béni sois-Tu Seigneur, pour ces gens qui viennent se reposer sous notre ombre !"
"Louange à Toi pour le firmament qui éclaire nos nuits !"
etc. etc. …
J'entendais récemment à la radio, dans une émission par ailleurs d'excellente qualité, un scientifique affirmer, à propos de l'univers, qu'il était certain de l'existence de vies extraterrestres, parce qu'il était impossible, selon lui, que tout cet univers gigantesque ne serve à rien, n'existe que pour les Terriens.
Cette incompréhension est vieille comme les psaumes : "À voir ton ciel, ouvrage de tes doigts, la lune et les étoiles que tu fixas, qu'est-ce que l'homme pour que tu penses à lui, le fils d'un homme, que tu en prennes souci ?" (Ps 8).
La révolution copernicienne, lue dans une perspective antireligieuse, semble donner un fondement scientifique à ce scepticisme : si la Terre n'est pas au centre de l'univers, alors l'Homme ne pourrait pas être au centre des attentions de Dieu. On voit bien la spéciosité du raisonnement. (Du reste, la centralité de la Terre n'est pas automatiquement signe de noblesse, ce serait même plutôt le contraire dans la pensée aristotélicienne - dont on sait qu'elle a fortement imprégné la culture médiévale).
D'abord, rien n'empêche sur le plan théologique l'existence d'autres formes de vie, qui nous seraient inconnues. Leur existence éventuelle ne remet rien en cause du kérygme.
Mais je voudrais m'arrêter sur cette question de l'immensité de l'univers.
Il y a quelques années, j'ai eu l'occasion de faire un peu de plongée sous-marine en Guadeloupe. J'en ai tiré deux sensations particulièrement fortes : l'émerveillement devant la richesse et la diversité des formes et des couleurs, et plus encore une fascination puissante à l'idée que cette beauté est invisible la plupart du temps à tout oeil humain. L'espèce humaine n'a accès qu'à une infime partie des fonds marins, depuis moins d'un siècle, et toujours pendant des temps extrêmement courts. Au regard de l'histoire de la Terre, que représentent les quelques minutes qu'un plongeur peut se permettre de passer au fond de l'eau ?
La beauté des fonds marins est, pour ainsi dire, parfaitement inutile : personne n'en profite. Un peu comme si Dieu s'était fait plaisir, juste comme ça.
Si la beauté des fonds marins est gratuite, pourquoi l'immensité de l'univers ne le serait-elle pas ?
Les cieux proclament la gloire de Dieu, le firmament raconte l'ouvrage de ses mains.
Le jour au jour en livre le récit et la nuit à la nuit en donne connaissance.
Pas de paroles dans ce récit, pas de voix qui s'entende ; mais sur toute la terre en paraît le message et la nouvelle, aux limites du monde.
Un petit échantillon de la production 2015-2016, modèle vivant et passage dans la Ville éternelle : l'enlèvement de Proserpine, du Bernin, est à la Galerie Borghese, et les deux autres statues sont au Musée du Capitole.