Vous avez probablement déjà entendu l'expression faire son salut, et très probablement aussi gagner son paradis. Si je savais confusément qu'elles ne sont pas très chrétiennes, parce que peu compatibles avec l'idée d'une gratuité de la miséricorde, j'ai longtemps eu du mal à mettre le doigt sur le problème. C'est venu cet été.
Le point à bien comprendre, c'est qu'on n'a pas besoin de faire son salut, mais il faut le recevoir.
La première lecture de dimanche dernier (Livre de Néhémie 8, 2-4a.5-6.8-10) nous emmenait dans un événement peu connu de l'histoire du peuple d'Israël. En 538, le roi de Perse Cyrus autorise les vaincus de son ancien ennemi le roi de Babylone à retourner à Jérusalem. Le réinvestissement du Temple donne lieu à une cérémonie extraordinaire, où le prêtre Esdras proclame solennellement la Parole de Dieu au peuple rassemblé. L'Exil a entraîné sa part d'oubli, au point que même la langue est perdue, il faut régulièrement arrêter la lecture, traduire et expliquer.
L'émotion du peuple est telle, dit le bibliste, que tous "pleuraient en entendant les paroles de la Loi". Esdras les enjoint à se réjouir, à manger des viandes savoureuses, boire des boissons aromatisées : "la joie du Seigneur est votre rempart !"
Aujourd'hui, je vais exceptionnellement rompre avec une règle que je m'étais fixée en créant ce blog, qui est de ne pas réagir "à chaud" à l'actualité, particulièrement quand elle tourne à la polémique. Mais je vais le faire aujourd'hui, parce que ce qui arrive est grave, et parce que j'ai mal.
D'abord et avant tout, j'ai mal à l'idée que des enfants ont souffert des horreurs que je ne peux même pas me représenter.
Mais j'ai surtout mal que des connards de prédateurs aient usé de l'ascendant moral et spirituel que leur donnaient leurs fonctions de prêtre pour infliger ces horreurs à ces enfants, obtenir leur silence et parfois aussi bénéficier de celui de leurs parents, qui ont préféré ne pas croire les enfants.
J'ai mal que des évêques aient nié, ou minimisé le problème, aient cherché à étouffer le scandale, à protéger l'Institution plutôt que les enfants.
Dans un autre registre, j'ai mal que dans certains pays, des religieux aient participé à l'enlèvement d'enfants à leur mère, et donné une caution morale et spirituelle à un système aussi odieux.
Tout cela me fait mal car ce n'est pas ce que je connais de l'Église, et j'ai terriblement mal que certains la réduisent désormais à tout cela.
Je reviens de deux semaines en Terre sainte. J'y étais déjà allée deux fois, je commence à m'y sentir un peu chez moi, mais cela reste un voyage hors du temps.
Quand j'ai eu envie d'aller en Terre sainte pour la première fois, j'ai voulu rencontrer ceux qui y vivent. Ne pas faire une tournée de lieux saints entre deux hôtels, mais vraiment aller à la rencontre des gens, parce qu'après tout, Jésus dans les Évangiles ne fait pas autre chose que cela : aller à la rencontre.
J'ai découvert les camps d'été du Réseau Barnabé, et j'ai participé coup sur coup à deux éditions. C'était formidable de partager des beaux moments avec des habitants de Ramallah, et ensuite découvrir, à Jérusalem, les lieux saints et la présence juive, à la fois ancienne et moderne. J'ai dîné chez des Palestiniens, rompu avec eux le jeûne du Ramadan, et dîné chez des Israéliens (Français) pour ouvrir le shabbat. J'ai marché dans le Wadi Qelt, me suis baignée dans la Mer morte, et j'ai tenté de me recueillir dans le Saint-Sépulcre. J'ai entendu les Juifs chanter les psaumes et des muezzins appeler à la prière.
Dans mes lectures récentes, le Building a Bridge du père James Martin, récemment traduit sous le titre Bâtir un pont : l'Église et la communauté LGBTpar le frère Marie-Augustin LHB op, traduction publiée aux éditions du Cerf, en toute logique (le traducteur étant dominicain).
Ayant
suivi sur les réseaux sociaux la sortie de ce livre, et la polémique
qui s'en est suivie (le père J. Martin a été violemment attaqué par les
milieux conservateurs), j'étais impatiente de le découvrir. Grâces
soient rendues au traducteur qui l'a rendu possible.
Le père James Martin, américain, jésuite, est un éditorialiste régulier du magazine America (seul hebdomadaire catholique des États-Unis) et consulteur au Secrétariat pour la communication du Saint-Siège et du Vatican.
Le
propos du livre est clairement pastoral, et pour cette raison me laisse
un peu sur ma faim. Je cherche encore une réflexion plus théorique sur
l'enseignement de l'Église catholique à propos de l'homosexualité. Il
m'est extrêmement difficile de comprendre le fait même de
l'homosexualité : si, comme l'Église l'enseigne, Dieu a voulu l'altérité
sexuelle, d'où vient que des hommes et des femmes ne peuvent la vivre ?
Si cet empêchement a une origine biologique, et parce qu'il me parait
évident que l'homosexualité n'est ni le signe, ni la cause
d'une quelconque malédiction divine (expression parfaitement oxymorique
s'il faut en croire l'Église), alors comment l'expliquer ? Je regrette
qu'il soit si difficile d'exprimer cette incompréhension, quand elle est
dénuée de malveillance, dans un contexte où le militantisme des uns
rend souvent le dialogue impossible.