Les perles d'un métier qui n'est peut-être pas "le plus beau du monde", mais réserve tout de même quelques beaux moments. Note de service : quand il faut anonymiser un élève, je pioche un nom dans la liste des saints du jour sur Nominis. Mes élèves ne s'appellent pas réellement Odon ou Gérin !
Ce matin en 5e j'aère la classe, un peu contre la volonté des élèves, en expliquant que les neurones ont besoin d'oxygène.
Je retrouve une partie de cette classe, en fin de journée, au CDI. Je fais ouvrir les fenêtres.
Quelques minutes plus tard, je demande à l'élève le plus près (appelons-le Odon, saint du jour) de fermer. Il demande quelques minutes de plus.
Une voisine lance
"Il faut encore aérer les neurones d'Odon"
Je la remets gentiment à sa place :
"C'est parce qu'il en a beaucoup, alors ça prend plus de temps"
Et le Odon en question me remercie en se marrant.
Quelques instants plus tard, je m'approche du groupe qui a échangé quelques mots et Odon me dit :
"Elle dit que je n'ai pas d'humour !"
Alors je mets fin à leur chicane :
"Ah, ben aussi, vous avez des neurones : on peut pas tout avoir !"
Au CDI, les élèves demandent régulièrement à utiliser les ordinateurs. En règle générale, leur demande ressemble à : "j'peux aller sur les ordinateurs ?" (quand ce n'est pas carrément les "ordis").
Ma collègue et moi les obligeons à reformuler leur demande correctement, histoire que les concepts se mettent en place dans leur tête (on ne va pas " sur un ordinateur " : on ne grimpe pas sur la boîte noire. De même qu'on ne fait pas des recherches "dans l'ordinateur" : on n'ouvre pas la boîte avec un tournevis).
Lundi, ma collègue reprend un élève pour lui faire énoncer l'idée "utiliser un ordinateur pour travailler". Quand il y est parvenu, elle lui demande de tout reprendre dans une vraie phrase (on lâche rien), sujet-verbe-complément : "puis-je s'il vous plaît...".
J'ajoute en riant "Et même, pour s'adresser à une femme, il faut un sujet, un verbe, et un compliment !"
Un élève spectateur de la scène a adoré le jeu de mot. Maintenant, pour demander n'importe quoi au CDI, il démarre toutes ses requêtes par : "Chère Madame, ..." !
En 5eme, on étudie "les inégalités devant l'alphabétisation". Je donne à mes élèves un travail de recherche à faire sur Malala Yousafzai et, pour éviter le copier-coller-sans-lire, je leur fais rédiger une "fausse" interview de la jeune fille par un journaliste. Je leur impose les questions, ils doivent faire les recherches pour pouvoir rédiger les réponses que Malala donnerait "si...".
Les questions sont ainsi rédigées :
Chère Malala, vous êtes Pakistanaise : expliquez-nous quelle a été votre histoire dans votre pays, et pourquoi vous avez dû vous réfugier, avec votre famille, au Royaume-Uni.
Le 12 juillet 2013, vous avez pris la parole à l’ONU, devant des chefs d’État et de gouvernement du monde entier. Que leur avez-vous dit ?
Dès l’âge de 11 ans, vous témoigniez de la situation des filles au Pakistan sur un site internet ; c’est votre père qui vous y a incité. Pouvez-vous nous expliquer qui il est ?
Vous avez reçu le prix Nobel de la paix en 2014. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?
Quand un (très bon) élève se prend au jeu, on a de belles surprises.
Fin d'année. Le conseiller d'éducation des 5èmes vous annonce que cet élève, qui a pourri la classe toute l'année parce qu'il s'ennuyait en cours alors qu'il rêve d'être pâtissier, a été pris aux Apprentis d'Auteuil ; il y suivra une formation professionnelle les après-midis. Le gamin est ravi.
Penser à toutes les colles et tous les avertissements de discipline qu'on s'est retenu de mettre pour ne pas charger son dossier scolaire et obérer ses chances d'être pris quelque part.
Une élève de Seconde m'interpelle à l'entrée du lycée avec un grand sourire :
"Ah, Madame, je voulais vous dire... pendant les vacances, j'ai joué à Trivial pursuit, et grâce à vous je savais où était le barrage des Trois-Gorges, j'ai gagné un camembert !"